samedi 23 août 2014

Henry Efbé, Sade et Mirabeau.

Décryptage d'un ebook.
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Dans le rayon e book érotisme, on trouve Henry Efbé. Mais dit-on ebook érotisme, e-book érotisme ou i-book érotisme ? ou encore livre numérique érotique ? Pour expliquer son e-book Pénétration Liminaires, Henry Efbé commence ainsi dans son analyse des lectures impertinentes : « La chaleur écrase les perspectives, et les cigales crissent tellement que la température semble encore augmenter, avec leur bruits qui arrivent à masquer mes acouphènes. Mon corps est de plus en plus tributaire du temps. La nuit ne suffit plus à le reposer. La chaleur me lamine l’été, mais en hiver le froid me bloque. Avec la lumière trop vive de l’été méditerranéen, des vagues moirées, des points et des escarbilles noires, translucides, passent devant le champ de mon regard. Il y a dans le panorama de ma vue des zones floues. Le son permanent d’un sifflement m’accompagne jour et nuit, ne cessant que lorsque je m’endors mais tout de suite présent à la reprise de conscience. J’ai bien souvent mal aux articulations, une hanche me torture parfois et je suis rapidement fatigué, mais je bande encore. J’ai soixante-trois ans. J’ai publié un jour un roman érotique en anglais dans lequel il n’y a rien d’autobiographique, c’est juste une sorte de documentaire inventé dans un contexte fictif sur les tripots échangistes, mais je doute que ma description soit beaucoup plus ignominieuse que la réalité même. Une façon de sublimer, en quelque sorte, car les hommes banderaient même encore à 80 ans, tandis que nos compagnes nous lâchent en chemin, ce qui justifie, peut-être, nombre de couples bizarres où l’homme semble être le père de la femme qu’il tient incestueusement dans ses bras. Je vais tenter de me faire ici le Georges Bataille de moi-même, en décryptant ce que l’auteur de Pénétrations Liminaires aurait voulu faire passer entre les lignes. En fait j’ai juste commencé à l’écrire sur un mot inconnu découvert dans les mots croisés, le mot sigisbée. A partir de là j’ai imaginé une baronne, transposition de la gente dame du Moyen-Age – dans les deux sens du terme puisque l’héroïne est justement d’un âge mûr, c’est-à-dire moyen pour ne pas dire avancé – dans une époque contemporaine. Déjà dans les premières pages les oppositions de classes fusent : la dame aristocrate ne travaille pas, elle a des serviteurs et domine un homme (son sigisbée) tant au niveau du rang social que dans le domaine passionnel. Le déroulement de l’histoire tentera de rétablir les inversions. Inversé également est le contexte politique : l’histoire se déroule dans un pays régi par une dictature. N’y voyons pas une quelconque apologie du nazisme mais plutôt la parabole de la société capitaliste moderne, qui sous couvert d’une pseudo démocratie, n’est en fait que peu différente d’une dictature. Guenièvre Von Strudel, oisive huppée, chaste, prenant le thé avec ses paires lors de réunions régulières, n’incarne pas d’autre personnage réel qu’I.R., pour qui l’auteur a travaillé la moitié de sa vie, et son appartenance à la société conformiste, américaine, coincée, où l’on fait semblant d’être démocrate et bienséant. Puis un nouveau personnage est présenté dans le premier chapitre : la femme de ménage, comme représentante d’une double opposition. Comme dans la morale orthodoxe, cette représentante des basses couches sociales use de son corps comme les animaux, tandis que la baronne ne touche pas à la chose. L’une a été éduquée ainsi, alors que l’autre est interdite de sexe à la suite d’un choc psychologique, car la psychologie est réservée à la haute sphère de la société. Nous verrons par la suite que si la femme de ménage se vend sans aucun remords de s’auto-aliéner, l’aristocrate se donne, tout en recherchant à garder le contrôle de sa domination quand ce n’est pas tenter elle-même de dominer les hommes, comme si le féminisme ne serait pas, selon l’auteur, un luxe réservé aux classes dirigeantes. Ainsi le premier chapitre pose les premiers repères, à qui veut bien le discerner, d’une intrigue dans un contexte de lutte des classes, façon de signaler que quoiqu’on en dise, la lutte des classes n’est pas terminée. Il fut bien astucieux de répandre cette idée à la fin du XXème siècle après l’effondrement du bloc soviétique à tel point que les directeurs d’usines le proclamaient, sans se rendre compte que cette idée leur avait été inculquée pendant leurs études d’ingénieur juste parce que désormais, les ingénieurs feraient partie de la classe inférieure et qu’il était plus judicieux alors de leur faire croire que les classes n’existaient plus. Il est vrai qu’au temps de Marx et de Zola, les dirigeants d’usine appartenaient à l’élite, ce qui n’est bien sûr plus le cas depuis 1990. Le dirigeant c’est l’actionnaire, et il ne met jamais les pieds en usine, sauf pour visites guidées pour lesquelles on lui prépare le terrain de façon à ce qu’il ait une vision idyllique et falsifiée de la réalité. Dans le deuxième chapitre la baronne va être tenté par la débauche, et finalement s'y plonger comme réponse à sa résistance contre l’attirance qu’elle ressent pour son sigisbée. Mais céder à cette attirance égalerait renier ses principes fondamentaux qui lui interdisent l’intimité avec un membre d’une classe inférieure. Il me fallait relire mon œuvre avant de la livrer, ou la faire relire pour éradiquer les fautes. Mais il n’était pas pensable de confier ce texte aux yeux de mes proches. Ecrire avec la perspective d’une lecture par des proches censure, même pour des écrits non érotiques. Lorsqu’on créé un personnage, il y a quelque chose qui appartient aux proches qui est contenu dans sa personnalité. Celui ou celle qui va lire va s’identifier immanquablement à tel ou tel personnage et sa critique sera orientée dans ce sens. J’ai donc imaginé le traduire en anglais pour le relire avec une approche différente. Une relecture faite par un autre moi-même. » Le roman est disponible en anglais au format ebook sur les principaux sites de distribution pour moins de 2 dollars. Une version PDF en français est également disponible, ainsi qu'en epub sur amazon très prochainement.